Nicolas Kuligowski
Je suis né en 1967, fils d’Eddie Kuligowski, photographe (prix Nièce 1976), j’ai passé mon enfance et mon adolescence à contempler des livres et des journaux de photographie de reportages, de guerre ou de mode souvent en noir et blanc, des univers terrifiants et séduisants à la fois. Peu intéressé par faire moi-même de la photo - ces images me paraîtront toujours inégalables - j’ai été attiré très jeune par la peinture. Après des études aux Beaux-arts de Paris, jai exploré les techniques, découvert les classiques, me suis lancé avec enthousiasme sur de grands formats colorés et gestuels. Au fil du temps, les effets d’effusions m’ont fatigué, j’en suis arrivé à une réflexion plus froide sur l’image photographique. Mimer la photo en peinture me rebute. Pourquoi réinterpréter en peinture une photo? J’ai réalisé que l’on peut travailler avec des photos et pas d’après photos. Le noir et blanc me sert de conducteur et la matière photographique est devenue un élément pictural.
La méthodologie que j’emploie consiste à superposer par un travail d’addition-soustraction des photographies venues d’horizon différent. Il est difficile, au final, de repérer les images d’origines, seul le nouvel effet produit compte. Les extraits d’images sont associés à différentes échelles. Les compositions produisent leur propre spatialité. Dans le tableau, le blanc de la toile fait office de nudité, les parties photographiques sont comme des tissus qui s’associent pour produire une composition en action. Les oeuvres réalisées participent de la photo et du graphisme; elles sont résolues en peinture. Les coups de pinceau viennent réécrire et interpréter le crénelage des pixels. Le piquet, le grain, les à-plats noirs de la photographie deviennent un vocabulaire en soi. Le blanc prend une importance cruciale, ils soutient à la fois la composition et nous offrent la fragilité de la toile vierge. Le noir crépite en fonction de la lumière suivant les traces des coups de pinceau.
Sur mon parcours, on reconnaîtra facilement des noms comme Andy Warhol, Robert Rauschenberg, Sigmar Polke, Christopher Wool, etc. Des artistes qui ont souvent créé des œuvres de manières mécaniques. Leur idée commune est d’éviter l’idée du beau, le résultat esthétique vient du process lui-même. Maltraiter des images permet de les revitaliser et de nous rafraîchir le regard. Ma démarche personnelle rejoint leurs préoccupations, elle consiste à saisir des images (issues souvent du déferlement des réseaux sociaux), et à les détruire. Leurs richesses factices, leurs conventions une fois ruinées apparaissent comme un monde en morceaux cherchant à se réinventer. Le noir et blanc est austère, il est de l’ordre du projet et du souvenir. Je cherche à produire une dynamique où de nouveaux récits peuvent exister.